Les enfants endormis
- Mercédès Calatayud
- 20 mars 2023
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 mars 2023
Le livre d'Anthony Passeron - Editions Globe

Un jour, j’ai demandé à mon père quelle était la ville la plus lointaine qu’il avait vue dans sa vie.
Il a juste répondu : « Amsterdam au pays bas. » Et puis plus rien.
Jusqu’à ce complément de réponse laconique : « pour aller chercher ce gros con de Désiré. »
C’est par ce bref échange entre père et fils que débute ce roman !
Avec les quelques souvenirs de son enfance, les confidences incomplètes de son père et sa colère rentrée, difficile de reconstituer un passé douloureux, comprendre les non-dits, la souffrance, la sidération d’Emile le grand-père taiseux, la honte et le déni de la grand-mère Louise, qui faisait entendre que « la toxicomanie était des bêtises », « les cures de désintoxications du repos », « le sida une maladie » et « un fils mort une étoile montée au ciel » !
Dans son premier roman, Anthony Passeron nous décrit un pan de vie sensible de son histoire familiale. Quarante ans après la mort de son oncle Désiré emporté par le sida dans les années 80, Il dénoue le drame vécu par ses parents et grands-parents. Drame qui a frappé de plein fouet cette famille de bouchers, notables de l’arrière-pays niçois et de bien d’autres familles de la côte d’azur. Comment Désiré ce fils ainé, adulé par ses parents, ce fils que l’on autorise à poursuivre des études alors que son frère cadet père d’Anthony Passeron, devra d’office reprendre l’affaire familiale. Comment Désiré a-t-il pu entrainer ses parents dans un désespoir sans fin, une peine à perpétuité ?
A son retour d’Amsterdam, Désiré ne sera plus le même, drogué à l’héroïne, on le retrouvera endormi dans les rues de son village comme d’autres jeunes, fils ou filles d’artisans, de notables, « les enfants endormis » une seringue plantée dans le bras.
C’est avec maestria et une distance remarquable, qu’Anthony Passeron va mener deux enquêtes en parallèle. L’une, qui interroge son passé familial et l’arrivée du sida, l’autre, très documentée, relate le travail d’investigation, la quête acharnée menée par des médecins Français puis Américains afin d’enrayer ce virus alors inconnu. L’auteur en dit long sur le désintérêt de certains médecins quant aux symptômes développés « chez les drogués et les homosexuels ». Il nous rappelle les aléas des essais thérapeutiques et le parcours des épidémiologistes, leurs espoirs déçus, l’urgence de trouver un moyen de soigner cette affection qui emportait de jeunes malades dans de terribles souffrances et qui mouraient dans une solitude de parias.
J’ai lu le roman d’Anthony Passeron d’une traite. J’ai aimé son écriture, ses courts chapitres efficaces.
Ce livre en deux parties est bouleversant et c’est sciemment que je n’ai pas abordé le second volet dédié à Emilie la fille de Désiré.
Je vous laisse découvrir cette histoire poignante pleine d’enseignement et d’amour.
Pour ne pas oublier…
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